Les nouvelles mesures exceptionnelles pour les marchés publics prévues par l’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020
L’ordonnance du 25 mars 2020 pose de nouvelles bases juridiques concernant la passation des marchés (voir notre article Ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020, les conséquences sur les procédures de passation des marchés publics) et apporte des précisions juridiques pour les marchés en cours d'exécution.
Ces règles s’appliquent pour tous les marchés publics en cours ou conclus durant la période comprise entre le 12 mars et le 24 juillet 2020, date de fin de l'état d'urgence sanitaire prolongé de 2 mois. Ces règles ne s’appliquent que si des conditions spécifiques sont réunies et respectées.
Les mesures prévues par cette ordonnance ne s’appliqueront que si elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et aux mesures prises pour limiter cette propagation.
Le rapport au Président de la République le souligne aussi : « l’application de ces dispositions requiert une analyse au cas par cas de la situation dans laquelle se trouvent les cocontractants qui devront justifier la nécessité d’y recourir ».
Il faut donc démontrer que la difficulté rencontrée pour la passation ou l’exécution du marché est réellement liée à la crise sanitaire.
Les entreprises devront donc se constituer un solide dossier.
- Les mesures relatives aux difficultés d’exécution
- Si l’entreprise ne peut pas respecter son ou ses délais d’exécution ou bien moyennant des charges manifestement plus élevées(art.6-1)
Dans cette hypothèse, le délai contractuel est prolongé d’une durée au moins équivalente à 4 mois et 12 jours (cf point I).
Mais attention, l’entreprise devra prouver :
- soit, les raisons pour lesquelles elle ne peut pas respecter ce délai ;
- soit, qu’elle devrait pour cela, mobiliser des moyens qui lui feraient supporter une charge manifestement excessive. On peut imaginer qu’une augmentation des charges de plus de 15 % sera considérée comme excessive.
Et elle devra le demander à l’acheteur avant l’expiration du délai d’exécution.
Cette mesure s’applique même si le contrat prévoit une clause contraire, sauf si cette clause est plus favorable au titulaire du marché.
- Si l’entreprise est dans l’impossibilité d’exécuter le marché ou tout ou partie d’un bon de commande (art.6-2)
Dans cette hypothèse, le texte prévoit que le titulaire du marché ne pourra pas :
- être sanctionné,
- se voir appliquer les pénalités contractuelles,
- ni voir sa responsabilité contractuelle engagée pour ce motif.
Plusieurs précisions sur cette faculté :
- Concernant sa mise en œuvre, là encore il faut que le titulaire démontre, notamment :
- Qu’il ne dispose pas des moyens suffisants pour exécuter le contrat (par ex : personnel en quarantaine, fournisseur défaillant)
- Ou que le fait de mobiliser ces moyens fait peser sur lui une charge manifestement excessive. Ce sera certainement le cas pour une augmentation des charges supérieures à 15 %.
- Ces dispositions prévalent sur le marché : les clauses du contrat ne s’appliquent pas sauf si elles sont plus favorables au titulaire du marché.
- Si l’acheteur résilie le contrat ou annule le bon de commande (art.6-3)
Il faut que cette résiliation ou cette annulation soit la conséquence des mesures prises par les autorités administratives compétentes dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Dans ce cas, le titulaire pourra être indemnisé par l’acheteur. Cette indemnisation est toutefois réduite : elle ne couvre que les dépenses engagées qui sont directement liées à l’exécution d’un bon de commande annulé ou du marché résilié. Ces dispositions prévalent sur le marché : Les clauses du contrat ne s’appliquent pas sauf si elles sont plus favorables au titulaire du marché.
- Les mesures permettant de prolonger la durée des marchés
Pour les marchés qui arrivent à terme entre le 12 mars et le 24 juillet 2020 (date qui pourra être modifiée), l’article 4 de l’ordonnance prévoit qu’ils pourront être prolongés par avenant au-delà de la durée prévue par le contrat.
Il faudra toutefois démontrer que l’organisation d’une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre.
De plus, il est précisé que cette prolongation :
- pourra conduire à dépasser les durées butoirs pour les accords-cadres (délais prévus aux articles L. 2125-1 et L. 2325-1 du code de la commande publique). La durée totale pourra par exemple aller au-delà du délai de 4 ans pour les pouvoirs adjudicateurs ;
- mais ne pourra pas aller au-delà de la durée nécessaire à la remise en concurrence, délai décompté à partir du 24 juillet 2020 (sous réserve que cette date soit repoussée).
Remarque : Le texte ne précise pas s’il déroge ou non aux règles sur les modifications des marchés. Autrement dit, s’agit-il d’un nouveau cas d’avenant autorisé ou faut-il respecter les règles générales sur les avenants ?
Cette question a toutefois une portée limitée dans la mesure où cet avenant entrerait dans le cadre du point 3°) de l’article L2194-1 du CCP (circonstances imprévues). Il serait alors soumis à un seuil de 50 % du montant du marché initial pour les pouvoirs adjudicateurs (article R2194-3 du CCP).
- Les mesures relatives aux conditions financières.
- Pour les marchés à prix forfaitaire (art.6-4)
Si l’acheteur suspend un marché à prix forfaitaire dont l’exécution est en cours, il a plusieurs obligations :
- Il doit procéder sans délai au règlement du marché selon les modalités et pour les montants prévus par le contrat.
- A l’issue de la suspension, un avenant sera signé. Trois options sont prévues pour cet avenant :
- Il pourra modifier le contrat si ces modifications sont nécessaires,
- il pourra prévoir une reprise à l’identique du contrat,
- ou encore sa résiliation.
Et cet avenant devra préciser les sommes dues au titulaire ou, le cas échéant, les sommes dues par ce dernier à l’acheteur.
Ces dispositions prévalent sur le marché : les clauses du contrat ne s’appliquent pas sauf si elles sont plus favorables au titulaire du marché.
Remarques :
Il est prévu que l’avenant soit conclu à l’issue de la suspension afin que les parties aient une vision d’ensemble des conséquences liées à la suspension.
- Les avances
Le texte prévoit deux assouplissements :
- Les acheteurs peuvent modifier les conditions de versement de l’avance. Son taux peut être porté à un montant supérieur à 60 % du montant du marché ou du bon de commande. Un avenant sera nécessaire.
- Les acheteurs ne sont pas tenus d’exiger la constitution d’une garantie à première demande pour les avances supérieures à 30 % du montant du marché (dérogation à l’article R2191-8 du CCP).