Première ordonnance validant le recours aux « mini lots » conclus sans mise en concurrence prévus par l’article R.2122-8 code de la commande publique !
TA Besançon, ord. 27 juillet 2019, Sté No Logo Productions n°1901145
Pour la première fois à notre connaissance un juge des référés était confronté à la mise en œuvre des « mini lots », nouveauté prévue par l’article R.2122-8 du code de la commande publique qui prévoit que « l'acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables [...] pour les lots dont le montant est inférieur à 25.000 euros hors taxes et qui remplissent la condition prévue au b du 2° de l'article R.2123-1 », c’est à dire concrètement si le montant cumulé de ces lots n'excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots du marché.
Si, traditionnellement, il était possible de recourir aux « petits lots » (procédure adaptée pour certains lots d’une procédure formalisée) cette nouveauté permet de conclure ces « mini lots » sans aucune publicité ni mise en concurrence
Dans cette affaire, le département du Jura avait décidé de créer un festival musical en plein air, et avait mis en œuvre pour ce faire un certain nombre de procédure de passation alloties (prestations techniques, prestations sanitaires…). Toutefois, deux contrats avaient été conclus directement avec une entreprise pour la programmation artistique et le mandat de commercialisation de la billetterie, sans aucune publicité ni mise en concurrence. Un organisateur de festival concurrent a donc saisi le juge du référé contractuel (les marchés n’ayant fait l’objet d’aucune publicité et ayant été signés) en faisant valoir qu’ils avaient été conclus de gré à gré irrégulièrement.
Le juge va pourtant donner raison au Département en raisonnant en trois temps :
En premier lieu le montant total des prestations fait que ces marchés devaient être en principe conclus après mise en concurrence. En deuxième lieu, il existe une possibilité de conclure des mini lots sans publicité ni mise en concurrence préalable. En troisième lieu, les deux contrats en cause remplissent bien les conditions prévues à l’article R.2122-8 du code de la commande publique, et aucune irrégularité ne serait donc être reprochée au département :
« Il résulte de l’instruction qu’alors même le département du Jura n’a pas procédé avec précision à l’estimation de l’ensemble des prestations nécessaires à la satisfaction du projet constitué par le festival « 39 Août », il est constant que ce besoin représentera une somme de plusieurs centaines de milliers d’euros, soit 500 000 euros selon le département. Par suite, quels que soient le nombre d'opérateurs économiques auquel il est fait appel et le nombre de marchés à passer, le département ne pouvait pas passer des marchés pour l’organisation du festival « 39 Août », sans publicité ni mise en concurrence préalables.
Toutefois, le département se prévaut des dispositions de l’article R. 2122-8 du code de la commande publique selon lesquelles : « L'acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 25 000 euros hors taxes ou pour les lots dont le montant est inférieur à 25 000 euros hors taxes et qui remplissent la condition prévue au b du 2° de l'article R. 2123-1… ». En vertu de ces dispositions, le département pouvait s’affranchir des règles de publicité ou de mise en concurrence pour des lots inférieurs à un seuil de 25 000 euros HT et dont le montant n’excède pas 20 % de la valeur de l’ensemble des lots. Ainsi qu’il a été dit, l’ensemble des lots relatifs aux prestations nécessaires pour l’organisation du festival « 39 Août » peut être évalué à environ 500 000 euros. Il résulte de l’instruction que le lot afférent aux prestations de programmation artistique et de gestion administrative de tous les contrats artistiques représente un montant de 5 400 euros TTC, soit 4 500 HT, et le lot portant sur le mandat de commercialisation de la billetterie doit donner lieu à une rémunération de la société « Le bruit qui pense » à hauteur de 0,50 euro TTC par billet, soit d’après une estimation de 20 000 personnes durant la durée du festival, 10 000 euros TTC ou 8 333 euros HT.
Par conséquent, la somme des deux lots litigieux n’excède pas 20 % de l’ensemble des lots. Même en faisant abstraction des prestations artistiques susceptibles d’être conclues sans publicité ou mise en concurrence dans le cadre de contrats d’exclusivités en application de l’article R. 2122-3 du code de la commande publique, le montant de l’ensemble des lots atteindrait la valeur de 125 000 euros TTC ou 104 166 euros HT. La somme des deux lots conclus avec la société « Le bruit qui pense » n’atteindrait donc pas 20 % de cette valeur.
Dans ces conditions, la société No Logo Productions n’est pas fondée à soutenir que le département du Jura n’aurait pas respecté les mesures de publicité requises pour la passation des deux contrats en litige. Par suite, les conclusions de la requête tendant à l’annulation de ces contrats et au prononcé d’une pénalité financière doivent donc être rejetées ».
Ce nouveau dispositif pourra donc être d’une grande utilité concrète pour les acheteurs publics qui n’auraient pas encore osé utiliser cette faculté des « mini lots », désormais permis jusqu’au seuil de 40 000€ HT depuis le 1er Janvier 2020.